Refus de restituer les acomptes suite à l’annulation d’un mariage pendant la période Covid : que risque le prestataire ?

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L’INSEE a publié les chiffres sur le nombre de mariages célébrés en 2020 et a indiqué un « recul historique » : seuls 155.000 mariages ont été célébrés soit une baisse de 31% par rapport à 2019

Interdits lors du premier confinement, survenu du 17 mars au 11 mai 2020, les mariages ont par la suite pu être célébrés, mais uniquement en comité restreint, à savoir avec un nombre de convives très limité - parfois à seulement 6 personnes incluant les mariés.  

La pandémie a empêché la tenue des célébrations ou incité à les repousser en raison de la limitation du nombre d’invités et du risque sanitaire.

De nombreux lieux de réception et traiteurs n’ont pas pu honorer leur contrat de prestation faute pour eux de pouvoir recevoir les mariés et leurs invités dans les conditions initialement prévues au contrat. 

En pareilles circonstances, que deviennent les acomptes versés aux prestataires ? Que risque le prestataire qui refuse de restituer les acomptes ? 

 

Le droit de refuser un report

En préliminaire, il convient de rappeler que le prestataire qui n’a pas pu s’exécuter à la date convenue doit restituer les acomptes versés par les futurs mariés. 

Il n’existe aucun droit au report de l’événement et encore moins, un droit unilatéral en faveur du prestataire ou des futurs mariés. La date convenue pour la réalisation du contrat est un élément essentiel du contrat. 

En raison de la force obligatoire des contrats (article 1103 du Code civil), seul un accord des deux parties sur une nouvelle date peut permettre un report. Si aucun accord n’est trouvé sur la date, le prestataire devra restituer les acomptes. 

Cette solution vaut en cas de force majeure : « si la fermeture administrative ayant empêché l’exécution de l’obligation contractuelle de la société revêt un caractère temporaire, le retard qui en résulte justifie la résolution du contrat, conformément à l’article 1218 du Code civil » (TJ Aix-en-Provence, Pôle de proximité, 9 avril 2021, N° RG 11-20-000998).

« Au regard de la nature spécifique de la prestation de service liée à la célébration d’un mariage, les futurs mariés sont parfaitement légitimes à refuser tout report de la date de leur mariage ; cette légitimité est d’autant plus corroborée par l’incertitude entourant la date de report » (TJ Aix-en-Provence, Pôle de proximité, 9 avril 2021, N° RG 11-20-000998)

Si le prestataire refuse d’invoquer la force majeure, il se retrouvera sans cause exonératoire de responsabilité et il devra quand même restituer les acomptes. Effectivement, le prestataire se retrouve alors dans une situation d’inexécution contractuelle et il ne peut toujours pas invoquer le refus des mariés de reporter leur événement pour justifier son inexécution (TJ de Dreux, 15 juin 2021, N° RG 11-21-000062 et TJ de Dreux, 15 juin 2021, N° RG 11-21-000063). 

En cas d’empêchement de réalisation de la prestation, « le refus de report des futurs mariés à une autre date proposée par le prestataire de l’événement ne peut s’analyser comme la cause de l’inexécution de l’obligation due par le prestataire de l’événement » (TJ de Tours, 3 février 2021, N° RG 20/02891). 

« La date de la célébration du mariage est un élément essentiel du contrat objet du présent litige, qui ne comporte de sucroit aucune clause de report de date en cas d'empêchement des parties. Par conséquent, le report à une autre date n'aurait été envisageable qu'avec l'accord des deux parties » (TJ de Dreux, 15 juin 2021, N° RG 11-21-000062 et TJ de Dreux, 15 juin 2021, N° RG 11-21-000063 ; dans le même sens, TJ de Pontoise, 18 juin 2021, N° RG 984/2021). Le contrat se trouve résolu et les acomptes n’ayant plus de fondement, doivent être restitués. 

Allant plus loin, le prestataire ne peut non plus soutenir pour s'exonérer de sa faute qu'il appartenait aux mariés de réduire le nombre de convives et d'appliquer les règles sanitaires : "il ne peut être valablement reproché aux demandeurs d'avoir souhaité maintenir leur cérémonie conformément à leurs souhaits et l'organisation qui était prévue et préparée depuis plus d'un an" (TJ Evreux, Tribunal de proximité des Andelys, 22 juin 2021, N° RG 11-21-000011). 

 

Des dommages et intérêts pour la mauvaise foi et la résistance abusive

Le prestataire qui n’est pas dans son droit et refuse de restituer l’acompte de manière persistante pourrait en plus être condamné à verser des dommages et intérêts aux futurs mariés au titre de sa mauvaise foi ou de la résistance abusive.

Cette condamnation peut intervenir même s’il a proposé un geste commercial, une date de report ou le prestataire rencontre des difficultés financières. Il a notamment été jugé que :

  • « Le prestataire a fait preuve de mauvaise foi contractuelle en excluant d’emblée de restituer tout ou partie de l’acompte versé qui représentait plus de 70% du total de la somme due pour une prestation que le débiteur n’a finalement pas exécutée et pour laquelle il n’a engagé aucun frais ; il en a découlé un stress et des inquiétudes légitimes » constituant « un préjudice moral » pour les futurs mariés (TJ de Tours, 3 février 2021, N° RG 20/02891) ; 
  • « le prestataire a fait preuve de mauvaise foi dans ses relations contractuelles avec les futurs mariés en refusant d’emblée de restituer l’acompte versé correspondant à 50% de la prestation que le débiteur n’a finalement pas exécutée et pour laquelle il n’a engagé aucun frais. Les demandeurs justifient d’une angoisse légitime au regard des frais engagés » (TJ de Senlis, 23 juillet 2021, N° RG 20/02222) ;

  • « la société a fait le choix de maintenir sa position consistant à conserver l’acompte versé, indépendamment même de l’impossibilité pour elle d’honorer ses engagements. Il ressort des pièces communiquées du dossier que certes, la société a eu des gestes commerciaux envers les demandeurs, proposant un avoir correspond à l’acompte, des propositions de report de date ainsi que des livraisons traiteur à domicile mais n’a jamais fait droit au remboursement de l’acompte qui n’avait pourtant plus aucune justification contractuelle ; la société a donc par son comportement fait preuve de mauvaise foi contractuelle » (TJ Aix-en-Provence, Pôle de proximité, 9 avril 2021, N° RG 11-20-000998) ;
  • « la société ne saurait se retrancher derrière les difficultés financières induites par la restitution de l'acompte, dont elle ne justifie au demeurant pas pleinement, ce qu'il n'appartient nullement aux demandeurs, consommateurs qui n'ont pas obtenu réalisation de la prestation attendue, de pallier ces difficultés, qui font au demeurant l'objet d'aides de la part de l'Etat » (TJ de Dreux, 15 juin 2021, N° RG 11-21-000062 et TJ de Dreux, 15 juin 2021, N° RG 11-21-000063) ;
  • "le caractère exceptionnel de la crise sanitaire, à l'origine de diverses interprétations et d'incertitudes dans bon nombre de domaines, particulièrement dans l'organisation d'événement réunissant plusieurs personnes, aurait dû conduire la société à considérer que le retard dans l'exécution contractuelle devait justifier la résolution du contrat" (TJ de Pontoise, 31 mars 2023, N° RG 21/04116).

 

Une majoration au taux d’intérêt légal

Lorsqu'une décision de justice oblige une personne à payer une somme, et que cette somme est payée avec retard, la personne doit payer des intérêts légaux en plus. 

Le montant total à payer varie selon les conditions prévues par le jugement, la date du paiement effectif de la somme due et la valeur du taux d'intérêt légal.

 

Le remboursement des frais d’avocat et de procédure

Dans toutes les procédures, la partie défaillante au procès peut être condamnée à indemniser l’autre partie pour les frais qu’elle a engagés pour faire valoir ses droits. 

Les frais sont les frais de procédure (aussi appelés « dépens » comme par exemple, les frais d’huissier) mais aussi les frais liés à la représentation par avocat (article 700 du Code de procédure civile). 

 

Pour avoir plus de renseignements, n’hésitez pas à contacter l'un de nos avocats en droit des contrats.

Jadde Avocat

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