Faut-il l’accord des deux parents pour publier une photo de son enfant sur les réseaux sociaux ?

Comme rappelé dans une récente proposition de loi de janvier 2023, visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants, « titulaires de l’autorité parentale et à ce titre, du droit à l’image de l’enfant, les parents en sont à la fois les protecteurs et les gestionnaires. L’avènement d’une économie de l’influence a accru les tensions entre ces deux intérêts, au point qu’ils puissent rentrer en conflit, en raison du gain financier, social ou émotionnel à tirer de l’exploitation de l’image de l’enfant ».

Ce phénomène qui consiste pour les parents, à publier des photos et vidéos de leurs enfants sur les réseaux sociaux afin d’immortaliser les grands moments de leur vie porte le nom de « sharenting » (contraction de « sharing » - partager - et « parenting » - parentalité- ).

Avec l’émergence des enfants influenceurs mais aussi des parents influenceurs, se pose inévitablement la question de la protection de l’image des enfants sur les réseaux. 

Le 6 février 2024, la loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants a été définitivement adoptée par l'Assemblée nationale posant un cadre plus précis en la matière. Elle a depuis lors été publiée. ll s'agit de la loi du du 19 février 2024 visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants

Un parent a-t-il le droit de publier une photo de son enfant sans l’accord de l’autre parent ? 

Le droit à la vie privée de l’enfant

La Convention Internationale des Droits de l'Enfant (CIDE) de 1989 est le premier texte international qui reconnait explicitement les enfants de moins de 18 ans comme des êtres à part entière, porteurs de droits sociaux, économiques, civils, culturels et politiques – des droits fondamentaux, obligatoires et non négociable.

Il s’agit d’un texte qui n’a pas qu’une portée symbolique. Cette convention est juridiquement contraignante pour les États signataires, qui s’engagent à défendre et à garantir les droits de tous les enfants sans distinction et à répondre de ces engagements devant les Nations unies.

Ainsi, l’article 16 de cette convention prévoit expressément que : 

« 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 

2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »

Au-delà du texte, comment la France garantit-elle cette protection ? 

L’effectivité de la protection à travers l’exercice de l’autorité parentale

La loi française est particulièrement lacunaire sur les droits de l’enfant et ce n’est donc qu’à travers la notion de l’autorité parentale et son exercice qu’un juge aux affaires familiales peut intervenir. 

L’autorité parentale se définit comme « un ensemble de droits et d’obligations ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant » (article 371-1 du Code civil). 

Par principe, la loi prévoit que l’autorité parentale est exercée conjointement par les deux parents de l’enfant (article 372 du Code civil). Cela suppose donc que les parents doivent notamment prendre ensemble les décisions importantes concernant la santé, l'orientation scolaire, l'éducation religieuse et le changement de résidence de l'enfant.

Une distinction s’opère entre les actes importants qui nécessitent l’accord des deux parents et les actes usuels pour lesquels le parent est réputé agir avec l’accord de l’autre, à l’égard des tiers de bonne foi (article 372-2 du Code civil).

Concernant le cas spécifique de la publication d’une photo ou d’une vidéo d’un enfant sur les réseaux sociaux, il convient de déterminer si un tel acte est « usuel » ou non. La jurisprudence a déjà pu se positionner sur cet acte en considérant que la publication de photographies du mineur sur les réseaux sociaux peut être un acte important nécessitant l’accord des deux parents (CA Versailles, 2e ch. Sect. 1, 25 juin 2015, n°13-08349). 

Il s’agit cependant d’un cas particulier dont il n’est pas certain qu’il puisse être généralisé.

La modification de la loi  

Le 6 mars 2023, la proposition de loi visant à mieux protéger le droit à l’image des enfants a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale et de manière définitive après seconde lecture, le 7 février 2024. Elle a été depuis publiée. 

Ses principales mesures sont les suivantes : 

  • le texte vise à introduire la notion de « vie privée » de l’enfant dans la définition de l’autorité parentale du Code civil prévue à l'actuel article 371-1 du Code civil :  l'autorité parentale doit protéger l'enfant "dans sa vie privée", en plus de "sa sécurité, sa santé et sa moralité", pour "assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne" ;
  • il précise que le droit à l’image des mineurs est exercé en commun par les deux parents : « Les parents exercent en commun le droit à l’image de leur enfant mineur, dans le respect du droit à la vie privée mentionné à l’article 9. Les parents associent l’enfant à l’exercice de son droit à l’image, selon son âge et son degré de maturité » ;
  • en cas de désaccord, le juge peut dorénavant interdire à l’un d’eux de publier des images de l’enfant (nouvel alinéa à l’article 373-2-6 du code civil) : « Il peut également, en cas de désaccord entre les parents sur l’exercice des actes non-usuels relevant du droit à l’image de l’enfant, interdire à l’un des parents de publier ou diffuser tout contenu sans l’autorisation de l’autre parent. Ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé »;
  • dans des situations graves, il est prévu que « si la diffusion de l’image de l’enfant par ses deux parents portent gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale », la voie est même ouverte à une délégation forcée de l’autorité parentale, permettant à un juge de confier à un tiers l’exercice du droit à l’image de l’enfant (article 377 du Code civil). 

Bien entendu, chaque situation est particulière. Aussi, n'hésitez pas à contacter le cabinet JADDE Avocats pour faire part de votre cas et avoir des informations supplémentaires.

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