Un salarié peut-il être sanctionné pour ses publications Facebook ?

Licenciement Facebook Travail Avocat

Avec le développement des nouvelles technologies, les conflits entre salariés et employeurs peuvent naitre en dehors du cadre même de l’entreprise, sur les réseaux sociaux.

Si le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de sa liberté d’expression, il ne doit pas en abuser en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs à l’encontre de son employeur (Soc., 14 décembre 1999, N°97-41.995).

Toutefois, y compris en cas d’abus, il ne peut pas être fait de reproche au salarié lorsqu’ils sont tenus dans le cadre d’un échange privé, cela sur le fondement du droit au respect de la vie privée du salarié (article 9 du Code civil) et du secret de ses correspondances.

L’arrêt de principe en la matière est célèbre et a été rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 2 octobre 2001 (Arrêt Nikon, Soc., 2 octobre 2001, N°99-42.942). Il rappelle que même au temps et sur le lieu de travail, le salarié a le droit au respect de sa vie privée. Il a été confirmé par la suite en chambre Mixte : les écrits relevant d’une correspondance privée doivent être protégés et empêchent l’employeur de prendre une quelconque sanction disciplinaire à ce titre (Mixte, 18 mai 2007, N°05-40.803).

Pour plus d’informations sur les règles entourant l’accès aux dossiers informatiques et emails du salarié : cliquez ici

Se pose donc la question de la nature des échanges que peuvent avoir les salariés sur les réseaux sociaux ou sur internet : les publications des salariés sur Facebook ont-elles un caractère privé ou un caractère public ?

 

Facebook est un espace privé sous certaines conditions

Les juridictions ont été amenées à trancher la question dans différents arrêts. La jurisprudence en la matière n’est pas clairement établie et les arrêts sont disparates, parfois divergents :

 

  • Le mur Facebook est un « espace présumé public » car « nul ne peut ignorer que Facebook, qui est un réseau accessible par connexion internet, ne garantit pas toujours la confidentialité nécessaire » (par exemple, CA Reims, 9 juin 2010, N°09/03205).

Dans le même sens, la Cour d’appel de Besançon a ainsi pu juger fondé le licenciement d’une salariée qui avait publié sur le mur Facebook d’un ancien collègue des propos violents à l’égard de son entreprise (CA Besançon, 15 novembre 2011,N° 10-02642)  : « ce réseau doit être nécessairement considéré , au regard de sa finalité et de son organisation, comme un espace public ; qu'il appartient en conséquence à celui qui souhaite conserver la confidentialité de ses propos tenus sur Facebook, soit d'adopter les fonctionnalités idoines offertes par ce site, soit de s'assurer préalablement auprès de son interlocuteur qu'il a limité l'accès à son "mur" ».

 

En ce sens, l'interprétation de la Cour de cassation doit retenir notre attention. Elle considère que le mur Facebook est un espace privé dès lors que l'accès à la page est soumis à agrément par l'intéressé et que seul un nombre restreint de personnes formant une communauté d'intérêts y sont réunies (Civ. 1ère, 10 avril 2013, N°11-19.530) :  « Mais attendu qu'après avoir constaté que les propos litigieux avaient été diffusés sur les comptes ouverts par Mme X... tant sur le site Facebook que sur le site MSN, lesquels n'étaient en l'espèce accessibles qu'aux seules personnes agréées par l'intéressée, en nombre très restreint, la cour d'appel a retenu, par un motif adopté exempt de caractère hypothétique, que celles-ci formaient une communauté d'intérêts ; qu'elle en a exactement déduit que ces propos ne constituaient pas des injures publiques. »

 

Peut-on utiliser des captures d’écran du compte Facebook du salarié comme preuve ?

Il convient de déduire de cette interprétation les conséquences juridiques, notamment en matière de preuve.

Le « mur Facebook » étant un espace présumé privé, la Cour d’appel de Paris a considéré qu’il appartenait à « l’employeur de démontrer le caractère public des correspondances litigieuses » (CA Paris, 3 décembre 2015, N°13/01746). Il s’agissait en l’espèce d’une salariée licenciée pour faute grave pour avoir adhéré à un groupe Facebook intitulé « Extermination des directrices chieuses ». La Cour a considéré les propos tenus sur Facebook n’étaient accessibles qu’à des personnes agréées par le titulaire du compte et peu nombreuses (14 personnes), elles avaient donc une nature privée et ne pouvaient être sanctionnées à ce titre.

 

A contrario, il a pu être admis que des captures d’écran du compte Facebook d’un salarié puissent être utilisés comme preuves lors d’un procès :

  • La Cour d’appel de Toulouse a admis que la production de captures d’écran dans une instance judiciaire ne portait pas atteinte au droit au respect de la vie privée du salarié. En effet, elle a considéré qu’il résultait des pièces produites par l’employeur, qu’une grande partie de ces photos publiées sur la page personnelle du salarié ont été prises par le salarié sur le lieu et pendant les heures de travail, leur enlevant tout caractère privé (CA Toulouse, 5 décembre 2013, N°12/00445).

 

  • Dans le même sens, le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a considéré que l’employeur qui produit devant le juge un document retranscrivant les propos tenus par un salarié sur sa page Facebook qui avait été paramétrée pour en permettre le partage avec « ses amis et leurs amis » ne méconnait pas le droit à la vie privée de l’intéressée (CPH Boulogne-Billancourt, 19 novembre 2010, N°10-00852 et N°09-00316). Une telle publication permettant ainsi un accès ouvert, notamment par les salariés ou anciens salariés de la société doit être considérée comme publique .

 

Compte-tenu de l'absence de critères suffisamment précis sur la définition de Facebook comme espace privé / espace public et des divergences d’interprétation des juridictions, il est préférable pour le salarié de restreindre au maximum dans les paramètres de son profil, l’accès aux informations qu’il publie sur Facebook.

A noter, dans un arrêt récent, une décision de la Cour de cassation ayant admis la recevabilité comme preuve d'éléments tirés du compte privé Facebook d'un salarié au motif qu'une telle atteinte à la vie privée était justifiée car indispensable à l’exercice du droit de la preuve et que l’atteinte était proportionnée au but poursuivi (Soc., 30 septembre 2020, N°19-12.058). Les atteintes à la vie privée doivent donc être mises en balance avec le droit de la preuve et la recherche de la vérité. Cette décision s'inscrit dans la lignée d'une autre décision récente de 2016 allant dans le même sens (Soc., 9 novembre 2016, N°15-10.203)

Pour avoir plus de renseignements, n’hésitez pas à vous rapprocher du cabinet JADDE Avocats.

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